Atrophie cognitive et IA : comprendre les risques et préserver l’intelligence humaine au travail Et si l’IA, en nous aidant trop, finissait par nous affaiblir?

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Le 15 octobre 2025
En 2025, le Québec est l’un des pôles nord-américains de l’intelligence artificielle (IA). Montréal attire chercheurs et investissements, et les outils génératifs s’installent dans la finance, la santé, le manufacturier, la construction ou encore l’éducation. Selon l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), 62 % des entreprises de 50 employés et plus utilisent désormais l’IA générative dans au moins un processus. Cet engouement transforme le travail : rapidité, automatisation, réduction des coûts. Mais une question s’impose : que devient la pensée humaine lorsque nos activités cognitives sont de plus en plus confiées aux algorithmes ?
C’est le risque de l’atrophie cognitive. Comme un muscle qu’on n’exerce plus, la pensée critique, la créativité, la mémoire active et le raisonnement complexe peuvent s’affaiblir si elles sont constamment suppléées par l’IA. Déjà, des signaux apparaissent : homogénéisation des rapports, baisse du questionnement critique, dépendance aux suggestions de la machine.
Pour les employeurs et les RH, l’enjeu est majeur. Il ne s’agit pas de freiner l’adoption de l’IA, mais de préserver la vitalité des compétences humaines qui restent irremplaçables pour innover, recruter et retenir les talents, et assurer la compétitivité à long terme.
Qu’est-ce que l’atrophie cognitive à l’ère de l’IA ?
L’atrophie cognitive désigne la perte progressive de fonctions intellectuelles lorsqu’elles ne sont plus sollicitées. Dans le travail, l’IA peut aujourd’hui analyser, rédiger, résumer, comparer, créer.
Mais si ces tâches sont toujours confiées à l’algorithme, l’effort humain diminue et les compétences s’érodent. Au Québec, ~810 000 personnes (18 % de la main-d’œuvre) œuvrent dans 96 professions vulnérables à l’automatisation (robotisation + IA).
Les 15–24 ans et les +25 ans sans diplôme (27 %) sont surreprésentés ; les universitaires : 8 % vulnérables mais mieux requalifiables.
Compétences à risque
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Raisonnement complexe : planification stratégique, résolution de problèmes.
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Pensée critique : capacité à vérifier et questionner l’information.
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Créativité : production d’idées originales.
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Mémoire active : gestion simultanée de plusieurs données.
En 2025, certains chercheurs décrivent déjà le « raisonnement piggyback » : accepter sans discuter la solution générée par l’IA. À Montréal et Québec, où l’intégration est forte, ce réflexe est courant. Dans des régions comme le Bas-Saint-Laurent ou l’Abitibi, l’adoption reste partielle, ce qui limite encore ce phénomène. Aussi, malgré l’engouement grand public, ~12 % des entreprises québécoises prévoient utiliser l’IA pour produire biens/services dans l’année.
Actions clés
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Définir les compétences cognitives stratégiques par secteur.
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Former les gestionnaires à détecter les signes d’atrophie.
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Inclure la vigilance cognitive dans les programmes RH.
Les signaux d’alerte déjà visibles au Québec
Les chiffres confirment l’émergence du problème. Selon Statistique Canada, 30 % des tâches administratives et comptables ont été automatisées au pays depuis 2020. Au Québec, l’Ordre des CRHA rapporte que 48 % des dirigeants RH constatent une baisse de réflexion critique dans les réunions où l’IA est utilisée systématiquement.
À Montréal, les grandes firmes de services professionnels observent une accélération des livrables, mais une uniformisation des analyses : même structure, même langage, moins de profondeur. À l’inverse, des PME de Lanaudière ou de la Mauricie, moins outillées en IA, conservent des pratiques plus diversifiées, bien que plus lentes.
Ces signaux montrent que l’IA, si elle est utilisée sans discernement, peut réduire la valeur ajoutée des équipes. Or, l’intelligence collective repose sur la confrontation d’idées et l’originalité des perspectives. Si ces compétences déclinent, l’innovation et la performance organisationnelle s’en trouvent directement menacées.
Actions clés
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Organiser régulièrement des comités et brainstormings sans IA.
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Suivre la proportion des tâches faites avec et sans outils.
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Mettre en place des indicateurs de vitalité cognitive dans les bilans RH.
Conséquences RH et organisationnelles
En 2025, près de 62 % des entreprises québécoises utilisent des outils génératifs (ISQ). Si les gains de productivité sont réels, plusieurs effets négatifs apparaissent déjà sur la gestion des ressources humaines.
Un sondage de l’Ordre des CRHA (2025) révèle que 48 % des gestionnaires constatent une dépendance croissante aux suggestions algorithmiques. Les employés deviennent davantage des validateurs que des créateurs.
Les conséquences sont multiples :
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Rétention : Statistique Canada note que les travailleurs jugeant leur emploi « peu stimulant intellectuellement » présentent un taux de roulement 27 % plus élevé.
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Marque employeur : l’Institut du Québec révèle que 72 % des jeunes diplômés cherchent activement des environnements où la créativité et l’apprentissage réflexif sont encouragés.
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Innovation : Desjardins Études économiques (2024) constate que les PME utilisant massivement l’automatisation publient 30 % moins de brevets ou innovations que celles qui maintiennent des pratiques hybrides.
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Comparaison régionale : en Ontario, où des programmes de « cognition augmentée » existent depuis 2023, le taux d’innovation est 15 % plus élevé qu’au Québec en 2025.
Pour les RH québécoises, ce risque n’est pas théorique : il touche directement la compétitivité, la rétention et l’attractivité des organisations.
Actions clés
- Inclure la pensée critique et la créativité dans les évaluations annuelles.
- Développer des formations hybrides combinant IA et résolution manuelle de problèmes.
- Positionner la vigilance cognitive comme un argument central de marque employeur.
Prévenir l’atrophie cognitive en entreprise
Selon une enquête UMQ-CRHA (septembre 2025), 55 % des organisations publiques et municipales du Québec craignent que l’usage intensif de l’IA réduise la capacité de leurs employés à résoudre des problèmes complexes, mais seules 28 % ont mis en place une politique formelle de prévention.
Pourtant, les solutions existent et sont déjà testées :
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Alternance cognitive : une étude de l’Université Laval (2024) montre que les équipes alternant 50 % de tâches avec et sans IA maintiennent 20 % de meilleures performances en mémoire active.
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Exercices humains : selon l’ISQ, les équipes qui organisent des brainstormings sans outils numériques génèrent 1,7 fois plus d’idées originales.
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Formation aux biais : le CRHA indique que 61 % des gestionnaires ignorent comment identifier les biais de confirmation liés à l’IA.
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Culture organisationnelle : Desjardins Économie a mesuré que les entreprises valorisant la pensée critique obtiennent un taux de rétention supérieur de 12 %.
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Exemple concret : une PME manufacturière de la Mauricie a instauré des « comités sans IA » mensuels. Résultat : +18 % de satisfaction interne et trois projets innovants déposés en un an.
Actions clés
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Instaurer une charte IA définissant les usages autorisés et interdits.
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Former 100 % des gestionnaires aux biais et à la vigilance cognitive.
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Récompenser les initiatives créatives issues de la réflexion humaine.
À retenir...
L’IA n’est pas une menace : elle devient un risque lorsqu’elle remplace la pensée humaine au lieu de l’amplifier. L’atrophie cognitive, encore peu médiatisée, constitue déjà un frein à l’innovation, à la rétention et à la compétitivité du Québec.
Pour les employeurs et les RH, deux priorités s’imposent :
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Exploiter les gains de productivité de l’IA.
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Préserver les compétences humaines irremplaçables.
Les organisations qui adopteront une stratégie d’« intelligence augmentée » — où l’humain garde le contrôle et cultive ses capacités — seront mieux armées pour affronter 2026. Préserver l’intelligence collective, c’est garantir un avenir compétitif et innovant au Québec.
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Références officielles
- Institut de la statistique du Québec (ISQ), Tendances de l’emploi et automatisation 2025.
- Statistique Canada, Enquête sur la population active 2025.
- Ordre des CRHA, Étude sur l’IA et les pratiques RH au Québec, 2025.
- Union des municipalités du Québec (UMQ), Perspectives économiques régionales 2025.
- Desjardins Études économiques, Productivité et innovation en contexte d’IA, 2024.
- Université Laval, Étude pilote sur l’alternance cognitive, 2024
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