IA à l’école : Outil pédagogique ou poison lent? Tous les enjeux pour l’éducation au Québec en 2025...

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Le 7 mai 2025 Par Richard DesRochers
Quand l’intelligence artificielle entre dans les classes québécoises...
 
L’intelligence artificielle n’est plus un concept abstrait dans les écoles du Québec. Elle est bien présente — dans les devoirs, les exposés oraux, les présentations PowerPoint générées automatiquement, et même dans la correction grammaticale en temps réel. Depuis l’arrivée d’outils accessibles comme ChatGPT, Perplexity, Quillbot ou Canva AI, une question s’impose : sommes-nous en train de redéfinir l’éducation ou de court-circuiter le développement cognitif de nos élèves ?
 
Selon une enquête menée par l’Association québécoise du personnel de direction des écoles (AQCS) en mars 2025, 67 % des directions constatent une augmentation significative du recours à l’IA dans les travaux scolaires, et 43 % des enseignants disent se sentir mal outillés pour faire face à ce changement. Pourtant, près de 75 % des jeunes du secondaire utilisent déjà une forme d’IA de manière hebdomadaire, parfois même sans en être pleinement conscients.
 
Le Québec, avec son système éducatif centré sur le développement global, la pensée critique et la créativité, fait aujourd’hui face à un paradoxe : comment intégrer l’IA de façon constructive sans affaiblir les fondements mêmes de l’apprentissage ?
 
Cet article explore tous les enjeux de l’IA à l’école, répartis en cinq grandes sections?:
  • Impact sur le cerveau et la créativité
  • Répercussions sur l’équité scolaire
  • Le défi de l’évaluation
  • La place de l’enseignant face à l’IA
  • Pistes concrètes pour un usage encadré et intelligent

Le cerveau s’endort quand la machine pense : où est passé l’apprentissage actif ?

L’un des dangers les plus sournois de l’IA à l’école, c’est la perte de l’effort cognitif. Quand un élève demande à ChatGPT de résumer un texte, de trouver des idées pour une dissertation ou de formuler une réponse à une question ouverte, il délègue non pas une tâche, mais une partie du processus de pensée.
 
En neuroéducation, on sait que l’apprentissage profond passe par l’erreur, le doute, la reformulation. L’IA élimine cette friction — et c’est précisément ce qui nuit au développement du cerveau. Selon les recherches de la professeure Line Massé (UQTR), les processus d’élaboration personnelle et d’intégration sont mis en veilleuse lorsque l’élève consomme une réponse déjà structurée.
 
L’IA ne rend pas plus intelligent : elle raccourcit. Et à trop raccourcir, on coupe aussi les mécanismes de raisonnement.
 
Risques pédagogiques concrets :
  • Moins d’attention soutenue sur les consignes complexes
  • Diminution de la mémoire de travail (la machine retient pour l’élève)
  • Réduction des capacités de synthèse personnelle
  • Difficulté à distinguer pensée copiée et pensée construite
« Le développement du cerveau adolescent repose sur l’effort soutenu. Ce qu’on court-circuite, on ne rattrape pas. »
– Dr. François Lépine, neuropsychologue scolaire (Montréal, 2024)
 
L’IA ne doit pas remplacer la pensée. Elle doit servir d’appui, jamais de substitut.

Équité numérique : l’IA va-t-elle creuser encore plus les inégalités au Québec ?

L’IA est souvent présentée comme un outil démocratique. Mais dans le Québec réel, tous les élèves n’ont pas les mêmes outils, ni le même encadrement numérique. Dans certaines régions, les écoles disposent d’un parc technologique à la fine pointe. Dans d’autres, le Wi-Fi est instable et les ordinateurs portables sont partagés entre plusieurs enfants.
 
Le ministère de l’Éducation du Québec estimait en 2023 que près de 19 % des élèves du secondaire n’avaient pas accès à un poste informatique personnel à domicile. Or, pour bien utiliser l’IA, il faut non seulement l’outil, mais la formation, l’encadrement et l’accompagnement critique.
 
Enjeux d’équité :
  • Les milieux défavorisés n’ont pas les mêmes accès aux plateformes IA payantes
  • L’usage autonome de l’IA nécessite un encadrement pédagogique soutenu
  • Les élèves en difficulté ou allophones peuvent être tentés d’automatiser leur pensée
Les élèves qui maîtrisent mieux le langage numérique utilisent l’IA comme levier, tandis que d’autres s’en remettent entièrement à elle, au risque de désapprendre.
 
« L’intelligence artificielle n’est pas neutre. Elle amplifie les écarts existants. »
– Comité consultatif sur le numérique en éducation, rapport 2024
 
L’intégration de l’IA à l’école ne peut réussir sans un plan d’équité clair, adapté aux réalités socioéconomiques du Québec.

Évaluer quoi, quand l’élève n’écrit plus ? Le casse-tête de l’évaluation en 2025...

Comment savoir si un élève comprend réellement un sujet si le texte qu’il remet a été coécrit — ou carrément généré — par une IA ? C’est le casse-tête majeur des enseignants en 2025. Même avec des logiciels de détection, les zones grises sont nombreuses.
 
L’évaluation, telle que pratiquée au Québec, repose sur trois piliers : authenticité, compétence, progression. Mais l’IA trouble ces repères. Un devoir parfait n’est plus nécessairement le signe d’une compétence acquise.
Selon un sondage interne de la FSE-CSQ (février 2025), 78 % des enseignants du secondaire disent douter de l’authenticité des travaux remis par leurs élèves. Et parmi eux, 31 % ont déjà adapté leurs consignes pour limiter l’utilisation de l’IA, souvent sans appui clair du centre de services scolaires.
 
Enjeux d’évaluation :
  • Comment distinguer une pensée personnelle d’un texte généré ?
  • L’oral devient-il le seul espace valide pour juger d’un savoir ?
  • Peut-on intégrer l’IA dans les grilles d’évaluation sans trahir l’effort ?
Des enseignants innovants proposent déjà des approches hybrides?:
  • Remise du brouillon de réflexion AVANT la recherche IA
  • Analyse comparative entre le texte de l’élève et celui de l’IA
  • Travail en salle avec IA bloquée, suivi d’un devoir à domicile
Mais le ministère tarde à donner une directive claire. Le défi est donc renvoyé à chaque enseignant — ce qui favorise l’incohérence et l’injustice.

Enseignant vs IA : changer de posture ou risquer l’effacement

Face à une machine qui semble tout savoir, le rôle de l’enseignant est remis en question. Pourquoi écouter un humain quand l’IA répond en une seconde ? Cette perception, de plus en plus présente chez les jeunes, affecte l’autorité, la confiance et le rapport pédagogique.
 
Mais cela cache une vérité plus profonde : les enseignants doivent évoluer, non se retirer. L’enseignant ne sera jamais obsolète s’il se positionne comme médiateur, accompagnateur du jugement critique, et révélateur de nuance.
 
Selon l’Association des directions d’école du Québec, plus de 60 % des enseignants souhaitent une formation structurée sur l’IA pour adapter leur posture en classe. Mais l’offre reste mince. Et le risque, c’est l’isolement professionnel… ou la résistance par blocage.
 
Postures en transformation :
  • De transmetteur à interprète
  • De vérificateur à stimulateur de réflexion
  • D’évaluateur à coach de compétence
« L’enseignant du futur ne sera pas celui qui sait, mais celui qui sait faire réfléchir. »
– Michel Lebrun, pédagogue et auteur québécois
 
L’IA ne remplacera pas le lien humain, mais elle oblige à l’approfondir.

Encadrer l’IA intelligemment : pistes concrètes pour une intégration responsable

Refuser l’IA à l’école est inutile. Elle est déjà là. Le véritable enjeu, c’est comment l’encadrer pour qu’elle renforce l’apprentissage au lieu de l’éteindre. Plusieurs établissements au Québec expérimentent déjà des pratiques prometteuses.
 
L’enjeu est de développer une culture numérique pédagogique, et non une simple tolérance technologique. Cela nécessite des politiques, des formations, et des balises claires.
 
Pistes concrètes déjà testées au Québec :
  • Ateliers de co-rédaction avec IA : réflexion AVANT génération
  • Fiches de transparence : l’élève doit dire ce qui vient de lui ou de l’IA
  • Journaux de pensée : l’élève explique son processus cognitif
  • Contrôle individuel sur des extraits du texte généré
  • Analyse critique de textes IA versus humains
Le Centre de services scolaire de Laval teste même un modèle d’IA pédagogique en mode supervision, où la machine sert uniquement à poser des questions… jamais à donner des réponses.
 
« L’IA bien encadrée peut devenir un miroir pédagogique. Mais elle ne doit jamais remplacer l’effort. »
– Nathalie Richard, conseillère pédagogique en innovation, Laval
 
Encadrer l’IA, ce n’est pas freiner le progrès. C’est préserver ce qui fait de l’éducation une vraie transformation humaine.

L’IA à l’école : progrès technique ou régression cognitive ?

L’IA à l’école pose une question simple mais fondamentale?: Voulons-nous former des jeunes efficaces… ou des esprits éveillés ?
 
L’intégration de l’intelligence artificielle en milieu scolaire doit se faire avec rigueur, conscience, et ancrage québécois. Ce n’est pas un outil neutre. C’est un accélérateur — qui peut propulser ou déformer.
 
Et c’est maintenant qu’il faut choisir la direction!

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